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Vers une explosion des cas de burn-out?

1. Quelques éléments pour aider au diagnostic

DÉPRESSION MAJEUREBURN-OUTANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE
Perte de plaisir, d’intérêt, de vitalité, pourtous les secteurs de la vie, avec altération dufonctionnement social, professionnel ou autre
Idem mais localisée au professionnel
Souffrance cliniquement significativeou altération du fonctionnement social,professionnel ou autre
Tristesse = symptôme cardinal; pleurs,irritabilité, agitation ou ralentissementpsychomoteur, difficulté de concentrationSymptômes divers: effarement, déception,étonnement, paniqueSymptômes associés: anxiété et soucisexcessifs (avec difficulté à contrôler cettepréoccupation), agitation, sensation d’êtresurvolté ou à bout, difficulté de concentrationou de mémoire, irritabilité
Sommeil perturbé avec éveil matinal précoceou hypersomnie Difficultés d’endormissement et micro-réveilsPerturbations diverses: difficultésd’endormissement, sommeil entrecoupé, agitéou non satisfaisant
Douleurs: parfois Raideur musculaire, articulaire, douleurs dorsales Tension musculaire
Fatigue ou épuisement: variableFatigue, épuisement:
systématique = symptôme cardinal
Fatigabilité
Idées suicidaires: oui, fréquentes, voiretentatives; dévalorisation ou culpabilitéexcessiveIdées suicidaires peuvent existerIdées suicidaires: non
Projets: non, la vie n’a plus de sensProjets: oui, en dehors du professionnel Projets: peu présents car mental préoccupé par les soucis particuliers
Récupération/réactivité: néantRécupération/réactivité: oui, après desvacances par exemple; mais rechute siabsence de traitementRécupération: nécessite la suppressionde la cause
Perte ou gain de poids (> 5%   en un mois),modification de l’appétit

PS: Pour toutes ces affections, vérifier que les perturbations ne sont pas dues aux effets directs d’une substance (médicament ou abus d’une substance) ou à une affection médicale ou mentale

Pour le diagnostic de burn-out, le Maslach Burnout Inventory (MBI) (MASLACH C, JACKSON SE. The measurement of experienced burnout. J Occup Behav 1981;2(2):99-113) est un des outils les plus utilisés en pratique clinique.

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Après ce confinement, les conséquences dues à ce contexte sont encore difficiles à cerner, mais on sent pointer les premiers signes d’une recrudescence de cas de burn-out, selon le docteur William Pitchot, psychiatre et chef de service associé au CHU de Liège.

Selon les estimations de l’INAMI, la situation est d’autant plus inquiétante avec près de 91500 travailleurs invalides en raison d’un burn-out ou d’une dépression en 2018, soit une augmentation de 24000 personnes par rapport à  2014.

«C’est quasi un doublement en 10 ans», explique François Perl, directeur général de l’INAMI, «et il y a probablement des dizaines de milliers de personnes à y ajouter, puisque l’absentéisme des fonctionnaires statutaires n’est pas pris en considération dans cette statistique».

Qui plus est dans un contexte de Covid-19, où le personnel soignant est confronté à une charge de travail sans précédent. «Sans oublier la charge émotionnelle intense dans les unités dédiées à la prise en charge des patient Covid-19. 

Ce qui caractérise le personnel soignant, c’est leur abnégation, le sens de la mission qu’ils ont à accomplir», nous indique le Dr Patrick Mesters, neuropsychiatre et fondateur du European Institute for Research & Intervention on Burn-Out. Le contexte dans lequel ils travaillent fait apparaître de grands liens de solidarité avec leurs confrères. 

«Les professionnels de santé tiennent le coup pour l’instant, malgré le fait qu’ils expriment de plus en plus un mal-être lié, entre autres, à un manque de moyens matériels mis à leur disposition, alors qu’ils sont quotidiennement confrontés à la mort. Et à la mort, on ne s’y habitue jamais. 

Sans oublier, les situations où ils doivent faire des choix entre patients à traiter par manque de moyens.» C’est ce que met en lumière le Pr Neil Greenberg de l’Institut de Psychiatrie, Psychologie et de Neurosciences du King’s College de Londres. «En fait, ils ne prennent pas assez soin d’eux. Avec le risque de constater, dans quelques mois une augmentation significative des affections psychiques, dont celui du stress post-traumatique»,indique le Dr William Pitchot, psychiatre et chef de service associé au CHU de Liège.

2. Stress post-traumatique

Le Dr Mesters rappelle que le risque de développer un stress post-traumatique (PTSD) est corrélé avec:

• le niveau et/ou l’intensité de l’exposition à la maladie durant l’exercice de la profession;

• la mise en quarantaine;

• l’existence d’un proche affecté par la maladie.

À noter également, l’impact psychologique pendant et après l’épidémie.

Impact psychologique pendant l’épidémie (1):

• sentiment intense de vulnérabilité, d’insécurité, d’incertitude, de sentiment de vie menacée;

• expérience d’anxiété importante; de troubles cognitifs.

Impact psychologique après l’épidémie (1, 3):

• plus le soignant est habité par une dimension altruiste, moindre est le risque de développer un stress post-traumatique;

• dépression et comportements d’évitement;

• 55% développent un stress post-traumatique 3 ans après les faits;

• les soignants plus jeunes sont plus exposés (< 50 ans);

• La peur de contracter la maladie et l’intensité des contacts avec les patients sont conséquentes, ce qui accroît le risque de développer un stress post-traumatique. 

Par ailleurs, le personnel soignant mis en quarantaine (9 jours et plus)  à cause d’un contact avec un patient infecté se révèlent plus susceptible de développer : 

• des épisodes de stress aigu;

• une baisse du niveau de l’humeur (dépression),

• un stress post-traumatique;

• des colères, de l’irritabilité;

• de la culpabilité (10%);

• de la nervosité (18%), des craintes et des peurs (20%);

• de l’insomnie, de la fatigue;

• un sentiment de détachement émotionnel par rapport à l’entourage;

• de l’indécision;

• une perte d’efficacité au travail, réticence professionnelle, résignation;

• des épisodes de confusion.

Ce qui caractérise aussi le personnel soignant, c’est que celui-ci ne demande jamais d’aide, ce qui pourrait être considéré par certains comme un signe de faiblesse. De plus, comment faire comprendre qu’on puisse passer d’un statut de héros (que l’on salue tous les soirs à 20h avec des applaudissements nourris), à celui d’une personne en perte de sens et qui n’a pas non plus toujours été reconnue à sa juste valeur, ni par les directions des hôpitaux, ni par les Autorités publiques?

«Ce qui sera donc important dans le cadre du déconfinement qui s’annonce, ce sera, de manière préventive, de proposer à l’ensemble du personnel soignant des consultations chez le psychologue ou le psychiatre de l’institution hospitalière. Tout comme les tests, il faut permettre à tout le personnel soignant de bénéficier d’une consultation psychologique», insiste le Dr Pitchot. Dans cette réflexion, la décision de la Ministre Christie Morreale de mettre 140 psychologues à disposition des maisons de repos est un pas dans la bonne direction.

3. Comment appréhender le stress post-traumatique?

a) Personnel soignant

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Pour anticiper le stress post-traumatique, il est fondamental de prévoir une communication rassurante,insistant sur le caractère normal du mal-être auquel ils font face et d’insister sur le fait que cela ne reflète nullement un manque de compétences ou de professionnalisme. “C’est de la biologie pure et dure, reconnue par ailleurs par le DSM3 et le DSM4», rajoute le Dr Mesters.

 Il existe aujourd’hui 5 organisations d’aide aux médecins confrontés à des problèmes psychologiques pendant cette crise du Covid-19:

a. Médecins en difficulté – Arts In Nood (national);

b. Doctors-4-Doctors (Flandre et Bruxelles); Eric Boydens:

eric.boydens@doctors4doctors.be;

c. Commission Professionnelle et Sociale (Bruxelles et

Brabant wallon);

d. Comité d’entraide médicale de la province de Liège

(Liège);

e. Solimed (Hainaut).

Ceci est d’autant plus important que le médecin généraliste joue un rôle central dans la prise en charge de patients souffrant de dépressions majeures et de stress post-traumatique, car il connaît très bien son patient, son histoire et son contexte familial.

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b) Population générale

Pour ce qui est du reste de la population, les situations sont très variables. «Probablement influencés par les réseaux sociaux, certains se demandent ce que le monde va devenir, ce que sera leur futur professionnel. Si ces personnes sont isolées, il y a un vrai sentiment de rumination, par manque d’emprise sur l’avenir, sentiment qui est aussi amplifié par les médias», nous indique le Dr Mesters.

Chez certains, il y a également un sentiment de manque de sens et de révolte face à leur impuissance face à la maladie qui les touche ou qui touche leurs proches ou leurs parents en institution. 

De plus, les conséquences de la grande crise économique qui nous attend aura aussi un impact sur l’augmentation du chômage, qui est souvent corrélée avec une augmentation des cas de suicides, comme cela s’est clairement manifesté à la suite de la crise financière de 2008. Que dire de ces indépendants pour lesquels c’est tout le projet d’une vie qu’ils voient s’effondrer. Ce qui est particulièrement dangereux pour les indépendants, c’est la perte du lien et le refus d’une main tendue.

Heureusement, des initiatives sont prises, par exemple, par la Chambre de commerce de Bruxelles (https://www.beci.be/service/rebondir/) et par l’Union des Classes Moyenne (https://www.ucm.be/).

«A contrario, pour certains patients déjà en burn-out avant la crise du Covid-19, c’est un temps béni»,indique le Dr Mesters. Cela leur permet de prendre de la distance, de réfléchir à leurs choix professionnels avec également moins de contrôles des médecins conseils. «Certains vont même beaucoup mieux», selon le Dr Pitchot. Le travail à domicile est une mesure intéressante car cela leur permet non seulement de gérer une reprise progressive de leur activité, avec comme corolaire un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle.

«Ces patients qui vont mieux, ce sont aussi ceux qui sont par définition moins confrontés à la stigmatisation de leurs collègues, à un sentiment de culpabilité, car n’oublions pas que le burn-out est encore toujours une maladie mal acceptée par la population», nous rappelle le Dr Pitchot. Attention quand même au télétravail qui, pour certains, représente une charge de travail supplémentaire, entraînant l’organisation de réunions qui par le passé auraient pu se régler très rapidement dans les couloirs des bureaux.

Enfin, ne négligeons pas que l’absence de relations sociales pendant une période trop longue peut à son tour entraîner des risques aggravés pour la survie. C’est ce que l’on nomme couramment le syndrome de glissement.

4. En conclusion

De ce regard croisé entre ces deux experts du stress post-traumatique et du burn-out, on peut retenir trois messages forts: garder du lien avec soi-même et avec notre cercle familial et professionnel, accepter la main tendue, quelle qu’elle soit, et ne pas stigmatiser, ni juger l’autre qui est en difficulté.


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